Pages

lundi 6 juillet 2020

El Topo ou les coulisses d'un bel effort et ses aléas

    El Topo… Cette voie est dans ma tête depuis plus de 2ans. Ouverte pour l’artif en 1981 par Marco Troussier, elle a été rééquipée en 2008 pour le libre.

El Topo : voie B

    En 2018, après discussions avec des copains qui avaient été dans la ligne, j’étais descendue repérer le 7c en 11 eme longueur car d’après eux, cette escalade était « lunaire » et plus dure que le 8a deux relais au-dessus. A ma grande surprise, j’enchaîne cette longueur, dans mon style il faut dire, à vue. Nous nous préparons pour repérer le 8a quand un énorme orage éclate. A l’abri, dans la petite grotte du relais, nous attendons que la pluie s’arrête pour remonter sur nos stats, tout penaud.

En 2018, repérage furtif

    Je me dis alors que ce serait un joli objectif, certainement réalisable. Mais pendant ce séjour, une chaleur écrasante nous accable et nous partons nous réfugier dans les dévers de Dame Cookie… Une autre histoire !

    Puis deux années sont passées sans revenir dans le Verdon pour des grandes voies. Alors quand cette année, nous prenons le temps avec Max de séjourner dans ce paradis de la grimpe, l’idée cachée dans un coin de ma tête refait bien vite surface !

    D’autant plus qu’il semble que cette saison, la voie est à la mode. Jérôme et Johanna s’y sont lancé en mode projet et travail des longueurs et Johanna n’est d’ailleurs pas passée loin du tout de l’enchaînement. De quoi discuter de stratégie d’approche, longueurs clefs et optimisation de bivouac avec eux !

Repérage de L13 8a

    Nous décidons d’aborder la voie en passant une après-midi pour repérer le 8a situé en 13eme longueur. Après une montée de repérage, je l’enchaîne au premier essai. Puis un autre jour, nous descendons repérer L9 7a expo et L10 7b+ grâce à une moulinette de 70 m ! C’est notre 3 journée de grimpe d’affilée ce jour-là et nous ne tenons plus une prise. Entre râlements, plaintes et souffrance, nous déchiffrons tant bien que mal les mouvements. Puis je pars redécouvrir L11 en 7c et là encore, c’est la débandade… Je me demande bien comment j’ai pu faire ça à vue… Après plusieurs tentatives, je finis par trouver quelques séquences qui fonctionnent et nous remontons au sommet.

Départ !

    A présent, il nous reste plusieurs possibilités, nous connaissons 6 longueurs sur 14. Soit nous faisons une journée en partant du sol pour découvrir et assimiler les 8 longueurs manquantes dont deux 7b+ sur gouttes d’eau dans un pur style verdonesque, soit nous partons du bas pour tenter l’enchaînement en ayant la moitié de la voie à faire à vue (ou en peu d’essais) pour espérer avoir suffisamment de peau sur les doigts pour finir décemment ! La décision est difficile à prendre car entre la reprise de la formation et la météo, il ne reste qu’un créneau de 2 jours. Si nous passons une journée de plus à repérer, nous ne pourrons pas tenter l’enchaînement et y’aura-t-il un autre créneau les week-ends à venir ? Nous optons donc pour la tentative d’enchaînement sur les 2 jours de beau et prenons le risque d’échouer. Mais ne dit-on pas « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » ? Alors prenons des risques !

L2 6b

    Nous récupérons un portaledge et après deux jours de repos et de grosses pluies dans le Verdon, nous sommes fin prêts ! La ligne est principalement sur du mur gris donc sèche vite. Les pluies torrentielles de la veille ne m’inquiètent pas trop. Mais lors de la descente en rappel, je déchante en voyant que la fissure de L10 en trempée. Sachant que nous avons laissé des cordes statiques jusqu’au pied de L11 et nos affaires de bivouac en haut de L11, nous serons bien obligé de passer cette 10eme longueur coûte que coûte ou bien ce sera le but ! Gros coup de pression avant mêle de commencer ! Avec autant de préparations, je m’en veux de ne pas avoir laissé une corde de plus dans cette longueur et surtout de ne pas avoir anticipé qu’elle pouvait rester mouillée.

L3 6c+

Pour l’ascension, Max commence par faire les quatre premières longueurs devant.

L1 : 6c+, bloc au tout début puis déroulante. Se termine par une courte cheminée heureusement baqueuse.

L2 : 6b, jolie dans un mur orange.

L3 : 6c+, un dévers sur bacs puis un petit réta à lecture.

L4 7b

L4 : 7b, une traversée sur de bonnes prises puis quelques mouvements rési sur réglettes quand il s’agit de remonter tout droit.

Dévers

    Puis je prends le relais à partir de L5. C’est là que les difficultés verdonesques commencent. Du mur gris et des gouttes d’eau sont au programme pour les quatre prochaines longueurs.

L5 7a

L5 : 7a, technique et à lecture. Ca louvoie entre les points sur des prises pas toujours franches

L6 : 7b+, première vraie difficulté et défi à vue. C’est une traversée vers la droite sur de micro lames et gouttes d’eau. Je serre de mauvaises prises et m’en sors pour arriver au relais suspendu en réalisant cette longueur à vue. En second, c’est quasiment impossible à travailler et Max me rejoint sans pouvoir trop chercher les solutions.

L7 7b+ flashée par Max

L7 : 7b+, deuxième défi à réaliser à vue pour garder de la peau. Tout commence par une traversée à droite que je négocie trop bas me fait déjà forcer puis se poursuit par une fissure moins dure, un mur à trous digne de Céüse avant de finir par un mouvement obligatoire à allonge que je passe à bout de doigts. Le relais est deux mètres au-dessus à gauche mais de grosses gouttes d’eau m’attirent à droite. Ma lecture me dit que je pourrai éventuellement rejoindre le relais en remontant tout droit et en traversant ensuite. Mais quand j’arrive sur les prises que j’avais repérées, elles sont intenables, je me déconcentre un instant et zippe pour une belle chute ! Arf, je suis bonne pour refaire toute la longueur ! C’est le jeu ! Par la gauche, je repère les prises et ce n’est finalement pas si complexe. Le plus dur demeure le mouvement d’allonge que je n’arrive plus à refaire sans influx. J’opte donc pour un mouvement dynamique, difficile à caler. Je redescends, me repose 10 min et repars. En moins de deux je suis au relais sans avoir rater la prise de réception de mon mouvement dynamique ! Cerise sur le gâteau, Max enchaîne la longueur flash !

L8 6c+ de la mort

L8 : 6c+, longueur aussi exigeante que la précédente, juste moins raide. Il poursuit devant mais ses doigts ont déjà trop souffert. Je le rejoins en serrant les dents et plissant les yeux, le soleil rasant en pleine figure. Rien de mieux pour trouver les prises cachées !

    Nous faisons une courte pause au pied de L9. Courte car ce jour-là il y a un vent de dingue et nous venons de passer à l’ombre. Nous sommes complétement gelés ! Max a ma grosse doudoune et je grelotte dans la doudoune light. Pas le temps de s’arrêter…  Pour le coup, les conditions de grimpe sur petites prises sont bonnes mais pour profiter et récupérer, un peu moins. Et je sais que si je me relâche et me repose trop, l’influx risque de s’en aller et je n’arriverai plus à repartir.

    Je poursuis dans L9, un 7a avec 4 points carrément espacés sur du rocher douteux. Ca ne donne pas envie de tomber. J’y vais au mental, j’oublie la douleur dans les doigts et ça passe.

Toujours L7 7b+

    Nous voici au pied de la 10eme longueur, le 7b+ en fissure qui était trempé le matin même.  L’objectif est de réussir à passer pour pouvoir récupérer nos affaires et poursuivre. J’ai la pression mais je me dis que si je n’y arrive si c’est trop mouillé, nous pourrons toujours dormir au relais supérieur et réessayer le lendemain. Une nuit de plus pour sécher !

    Je pars tout de même le couteau entre les dents en frissonnant. Les premiers mouvements vont bien vite me réchauffer. Malgré les difficultés à comprendre les mouvements quelques jours auparavant, l’influx est bien présent, me pousse et j’arrive au pied du crux sans trop d’effort. Malheureusement il est toujours trempé. J’en informe Max et le fait de l’énoncer à haute voix me fait vaciller. Le doute m’emporte quelques instants mais je me ressaisis rapidement. Quitte à être là, autant tout donner et essayer « a muerte » comme on dit ! Impossible de refaire la méthode que j’avais calée qui consiste à changer de mains sur une mauvaise prise. Mouillée comme elle l’est le risque est trop grande de glisser. Alors j’improvise, prends un peu tout ce qui vient, humide ou pas, et bon gré mal gré, j’avance et me retrouve au-dessus du crux à nouveau sur des prises sèches. Je n’en reviens pas, Max non plus ! Par contre, j’ai donné dans ce passage. Il reste encore 15 m de grimpe sur de meilleures prises mais proposant une escalade physique. Il s’agit de gérer jusqu’au relais. Au prix d’un combat d’anthologie, me reposant tous les deux mouvements, j’atteins le relais. D’un coup, toute la pression se relâche ! On l’a fait, on ne butera pas avant d’atteindre nos cordes fixes !

    Max se charge d’aller récupérer les affaires au relais supérieur et de tout redescendre pour installer le ledge au pied de la 11 eme longueur en 7c. L’idée est de récupérer un peu et d’essayer le 7c avant le dormir. Avec la gniaque, je sens que je peux le faire car il n’est pas trop physique mais je n’ai pas les capacités de poursuivre dans le dernier 8a et enchaîner toute la voie à la journée.

La meilleure place

    Le temps de tout préparer et de s’installer enfin en position allongée est suffisant pour me sortir du mode combat et enchaînement dans lequel j’étais. La relâche prédomine et la chaleur accueillante du duvet m’appelle. L’essai sera pour le lendemain. Après tout, c’est certainement plus stratégique de récupérer et d’essayer avec toutes les chances de son côté vu que l’enchaînement à la journée est compromis.

    La vie sur le portaledge s’organise et nous profitons du calme des gorges pour se ressourcer. Une bonne nuit de sommeil et nous nous réveillons sous un soleil radieux. Plus de vent et une chaleur écrasante nous fait retirer petit à petit toutes nos couches. A 11h, on doit être en mode maillot de bain et farniente sur notre transat de luxe !

    Il fait vraiment trop chaud pour grimper et nous sommes contraints d’attendre que la face repasse à l’ombre. C’est le moment idéal pour s’imprégner des lieux et apprécier ses habitants. Nous observons les hirondelles virevolter à toute vitesse en nous gratifiant de pirouettes proche des falaise que même les meilleurs pilotes d’avions n’oseraient pas engager. Les vautours quant à eux rôdent paisiblement sur les alentours, planant parfois trois mètres sous notre terrasse et observant quelle proie fera leur festin du jour. Nous savons notre chance de pouvoir profiter de ce spectacle.

    Malgré tout, le contraste entre notre immobilité, bloqués sur cette vire artificielle, et leur liberté de déplacement est violent. Cela contribue à attiser mon impatience à grimper. Je scrute sans arrêt l’heure et l’évolution du soleil. Si bien que le soleil à peine caché, j’ai déjà les chaussons au pied, prête à en découdre. Je me lance à froid, après être restée en position allongée ou assise depuis 18h !

    Au fur et à mesure que j’avance, je déchante en voyant que la pluie des jours précédents a effacé toute trace de repérage. J’ai le crux bien en tête mais le reste un peu moins. Alors une fois celui-ci passé à la limite de la chute, la pression est bien présente pour ne pas avoir tout à regrimper. Je me mets à nouveau un combat d’anthologie pour rejoindre le relais. Mes sensations de grimpe étaient catastrophiques, j’ai grimpé sur la défensive tout le long dans la peur de tomber. Je n’ai de ce fait pas du tout pris de plaisir dans cette longueur pourtant magnifique. Le sentiment au relais est mitigée, d’un côté je suis soulagée d’avoir réussi cette longueur et de l’autre, je suis énervée d’aborder de cette façon la voie et je me rends compte que l’envie de réussir est en train de prendre le dessus sur le plaisir d’être là…

L14 6c

    Max range notre campement que je hisse pendant qu’il grimpe. Puis il poursuit dans L12 en 6c, une traversée encore dans le plus pur style du Verdon avec mouvement immense de redescente qui se négocie en allonge ou par un petit saut !

    Nous sommes alors dans la petite niche au pied de L13 8a. Hyper confortable, nous pouvons nous asseoir et nous étaler. Mes sensations dans le 6c étaient encore mauvaises. Je mets ça sur le compte d’une petite hypoglycémie et fais une bonne pause en-cas.

Puis c’est l’heure d’y aller. La longueur se compose de trois parties :

-     -  un premier mur sur mono et bi-doigts avec peu de pied (environ 7b+) puis un bon repos en traversant vers la droite

-     -  s’en suit le premier crux, le plus dur pour moi, qui consiste à tenir un petit bi-doigt main droite pour croiser sur une fente avec peu ou pas de pied droit. Pour réussir, il convient d’être ou très souple ou très bon pour charger des pieds inexistants ou très solide du biceps droit. Pour ceux qui me connaissent, j’ai choisi la seconde option ! Puis quelques mouvements résistants sur trous meilleurs amènent à un dièdre où il est possible de récupérer.

-      - enfin la dernière section est également une traversée vers la droite où d’une épaule gauche avec des pieds corrects, on se tend pour atteindre un bon trou main droite. Les pieds sont alors plutôt inexistants et il faut croiser sur une bonne prise et transférer le corps à droite pour rejoindre une strate salvatrice. L’arrivée au relais demande également un petit calage sous peine de chuter le nez dessus !

    Là encore, la pluie des derniers jours a effacé tous mes repères. Je m’en sors dans la première section mais ne retrouve pas le pied que j’avais littéralement inventé et identifié par un point de magnésie. Sans cet appui, je n’ai aucune chance de faire le croisé difficile. J’essaye tout de même et tombe plus énervée que jamais : « A quoi ça sert de repérer et de préparer une voie s’il ne reste rien quand tu essayes ? ». Au fond je suis épuisée, la peau des doigts complétement broutée rend la tenue des prises plus difficile et j’ai cette volonté tenace de réussir qui obstrue toute intuition de grimpe. Somme toute le plus mauvais état d’esprit pour venir à bout d’un obstacle à sa limite.

    Je poursuis la longueur en mode repérage et en tentant de retrouver les sensations et les placements adéquats malgré la chaleur omniprésente. En redescendant dans notre petite grotte, je suis un peu à bout. J’explique à Max que je n’ai pas la bonne mentalité pour y arriver, que je pense trop au but, que je n’éprouve aucun plaisir et que tout ceci me frustre car j’en ai conscience et j’ai du mal à modifier volontairement ce mental. Evidemment, il a remarqué tout ceci et ces mots vont me permettre de lâcher prise sur cet objectif. Je me calme et quelques temps après, je retente ma chance.

    C’est fou ce que le mental peut faire sur une performance. Je pense aux mouvements et uniquement à ce que je dois faire dans les 15 prochaines secondes. La fatigue est bien présente dans la première partie mais je récupère au repos. Je retrouve le pied identifié et croise sans trop d’effort et poursuis jusqu’au repos suivant. Je m’arrête peu car c’est dans ces moments-là que l’esprit peut divaguer et à nouveau se projeter plus loin que deux mètres au-dessus de soi. Et puis curieusement, je ne suis pas trop fatiguée au niveau des avant-bras. Je sais qu’il ne reste qu’une section, que je la maîtrise et j’ai envie d’en finir. Je réalise cette séquence parfaitement, en retravaillant même les prises pour ne rien laisser au hasard. L’objectif se rapproche et je le sens. Je me distrais un peu sur la fin mais pas suffisamment pour échouer et clippe le relais en hurlant de joie !

Happy

    Etre passée d’un état d’esprit si malsain et peu propice à la réussite à cette manière d’aborder à nouveau les difficultés, c’est ça ma vraie victoire ce jour-là ! Max grimpe à son tour. Les débuts sont compliqués après une si longue pause mais il parvient à enchaîner la dernière séquence pour la première fois ! Nous avons tous les deux envie de sortir maintenant ! Il reprend la tête et je le rejoins rapidement au sommet retrouver Linka qui nous attend sagement dans la niche que nous avons installée. Elle a passé la nuit avec des copains qui sont ensuite venus la ramener au sommet d’El Topo pour notre arrivée. Comme de la partie, elle nous fait la fête comme jamais et célèbre avec nous ce bon bout d’aventure !

 La vidéo des ces deux journées :



dimanche 15 mars 2020

Madagascar


Il m’en aura fallu du temps pour revenir sur ce voyage loin d’être facile.
En août 2018, nous sommes partis à Madagascar avec Benoît, Jérôme et Rémi. Une chaleur excessive à cette période et le décès d’une personne proche en début de voyage nous auront (en tout cas moi en particulier) empêché de profiter pleinement du lieu. Retour néanmoins sur ce mois de dépaysement au cœur de l’Océan Indien.


Le massif du Tsaranoro

L’idée était de grimper au cœur du massif du Tsaranoro avec ces immenses tours de granit perdues au milieu de steppes arides.

Tsaradonga, 7a
Vu la chaleur et ne connaissant pas les lieux, nous optons pour une voie de mise en route : Tsaradonga, 7a, 300 m au Lemur Wall et partons un peu la fleur au fusil en calant mal l’approche et en se disant que ça ira. Bilan, on se trompe de chemin et arrive au pied d’un tout autre mur. On se dit « pas de soucis, on coupe ! ». Grave erreur ! On apprend ce jour-là qu’il faut rester sur les sentiers et qu’en dehors les hautes herbes sont infranchissables. C’est la jungle. Après quelques heures d’errances, nous arrivons au pied du Lemur Wall tard dans l’après-midi. La pression monte d’un cran pour savoir si nous aurons le temps de faire la voie avant la nuit. Ni une ni deux, les 300 m de la voie sont pliés au pas de course en 2h et nous rentrons au camp à la tombée de la nuit. Au bilan pour une première journée, 5h de marche pour 2h de grimpe ! Bon ratio, surtout pour les courbatures aux jambes !

Tsaradonga, 7a
Quoiqu’il en soit, la voie valait carrément le détour et grimper sur une colonette dans de la dalle à plus de 200 m du sol est dans tous les cas assez incroyable !

C'est raide mais ça adhère ce granit ! Crabe aux Pinces d'Or, 7b+
Rémi dans Le Crabe aux Pinces d'Or

Pour la suite, nous optons pour « Le Crabe aux pinces d’Or », 7b+, 350 m sur Mitsinjoarivo. La chaleur nous oblige à attendre à l’abri d’un dévers pour retarder un peu notre début dans la voie. Ainsi, nous ne grimpons que les 2 premières longueurs au soleil. Les croutes bouillantes de L1 laissent d’ailleurs bons souvenirs à notre peau.

Mains et pieds à plats dans Le Crabe aux Pinces d'Or, 7b+
Sommet du Mitsinjoarivo avec le Tsaranoro Atsimo en arrière plan
Je rate de peu la longueur dure à vue, la lecture n’étant pas évidente et me régale dans le reste de la voie. La fin est unique sur des formes toutes en rondeur où on a apprend à grimper pieds et mains à plat. Ces longueurs sont en réalité bien plus exigeantes et obligatoires que les longueurs en 7b.
Nous finissons au coucher du soleil et retournons au campement par le canyon classique de descente en marchant en adhérence sur des dalles tellement raides que la physique m’apparaît parfois mise à défaut ! Et pourtant… aucune chute à déclarer !

"Posey !"
Tout le monde n'a pas la même sensibilité à la chaleur !
La chaleur nous empêche de partir dans des itinéraires ambitieux. La plupart des faces sont au soleil la moitié de la journée et la longueur des itinéraires ne nous permet pas de les envisager à la demi-journée. A moins de grimper une bonne partie de nuit comme semblent le choisir les anglais sur place…

A l'assaut de la forteresse de Varavarana Tontolo, 7b
100 m plus haut.toujours dalleux..
On prend de la hauteur !
Nous optons finalement pour la seule voie plein sud (donc à l’ombre toute la journée ou presque) « Varavarana Tontolo », 7b, 450 m. Ce sont d’abord 200 m de dalles vraiment couchées jusqu’à 7a pour atteindre le bastion supérieur de 250 m. Là nous attendent des dévers ou des murs verticaux exigeants sur plats comme sait si bien le faire le granit malgache.

La longueur en 7b...
Pendant que les copains arrivent !
Une longueur me reste particulièrement en mémoire : celle en 7b sur écailles neuves qui laissent perplexe quant à leur solidité avec surtout un passage complétement obligatoire et plutôt engagé entre le dernier point et le relais. J’ai personnellement ressenti cette longueur comme plus dure que celle en 7b+ du « Crabe aux Pinces d’Or », peut-être à cause de l’enchaînement… Mais j’étais dans tous les cas ravie de ne pas prendre cette chute !

Un relais confort + la doudoune : profitons-en !
Une bonne aventure partagée avec Ben et Jéjé dans la cordée d’en dessous dans cette voie de caractère. Une aventure est toujours accompagnée de quelques péripéties et celle-ci n’y a pas échappé ! Un coinçage de corde en règle lors des rappels pour Ben et Jérôme dans l’une des nombreuses écailles qui n’attendent que les grimpeurs pour se nourrir de leurs brins qui les ramènent au plancher des zébus !

Escalade sur chips...
et engagement
Enfin, nous terminons dans une voie un peu plus dure au Lemur Wall « King Lui » 7c, 250 m . Cette fois notre stratégie se rapproche de celle des anglais et nous partons vers midi pour arriver au pied de la face quand elle sera à l’ombre. Stratégie pas si fantastique que ça puisque cela nous oblige à faire l’approche aux heures les plus chaudes de la journée et une bonne partie des réserves d’eau y passe. Néanmoins, l’escalade est plaisante et nous expérimentons la fin dans les 6c sur écailles douteuses de nuit. L’ambiance est particulière, à la fois grisante et oppressante. Quitte à avoir le choix, je crois que je recommencerai sur caillou irréprochable.

Frontale en préparation !
L’envie était également de faire Out Of Africa, une grande classique mais nous ne sommes pas prêts à grimper au soleil. Dans ces conditions, l’escalade n’est plus une partie de plaisir et nous décidons alors d’aller visiter le nord du pays.

Ce genre de bus !
Pour cela, nous voyageons en bus jusqu’au nord comme les locaux. Pour parcourir 1300 km, nous mettons 7 jours… Les étapes de 500 km prennent autant de temps que celles de 80 km : 12h ! Départ au lever du jour et arrivée à la nuit, musique malgache à fond dans les haut-parleurs du mini bus et montagnes russes à mesure que les routes pistes se défoncent, le tout collé serré avec son voisin, qu’il soit humain ou animal, malade ou non ! Ah ce genre de voyage est une aventure à part entière !

ou ceux-là !
Les longues heures de bus permettent de s’imprégner des paysages et des villages ou lieux de vie traversés. Une chose marquante pour une française comme moi est de noter le nombre de personnes présentes dans la rue, dès le lever du jour. En France, la rue est un lieu de passage, de transition. Hors évènement exceptionnel, il n’y a personne tôt le matin. A Madagascar, la rue semble le lieu du quotidien, la permanence. Les cases sont trop petites, trop rustiques pour s’y délasser et y passer du temps. Quoi y faire d’ailleurs ? La vie sociale est à l’extérieure. J’en viens à me demander : est-ce que la mesure du développement d’un pays est inversement proportionnelle au nombre de personnes présentes dans ses rues ?

Canal du Mozambique à Majunga
C’est la même chose pour l’argent ou les ressources matérielles. Combien d’arbres coupés pour construire les cases mais aucun replanté ? Il n’est pas rare non plus de voir des malgaches acheter une micro ration de riz, celle du repas du soir. Demain ? Advienne que pourra… La vie à l’instant présent dans toute sa splendeur et avec ses limites. Cela laisse à réfléchir.

A l'aide !

Le bâteau secours

Un grand marin !

Le contraste est grand quand nous arrivons sur l’île touristique de Nosy Be après plusieurs pannes, mécaniques ou d’essence, de voiture ou de bâteau… Oui oui ! 

Nosy Be
La modernité fait surface, les travers du tourisme également. Le tourisme sexuel n’est pas caché, loin de là et les sollicitations au coin de chaque rue sont nombreuses. Nous profitons néanmoins de ce répit européanisé et nous nous retrouvons à faire de la plongée dans de superbes coraux, à nager avec des tortues de mer, grandes de 2 à 3 fois notre taille ou à découvrir de petites îles préservées où poussent les fruits locaux et plantes endémiques.


Scène de vie
Ananas en création !
Puis nous continuons notre vers Diego Suarez avec l’idée de grimper sur une île de l’archipel de Nosy Hara. Mais après contact avec Mathieu Delacroix, directeur de New Sea Roc, la boîte qui développe et gère les camps qui permettent d’accéder aux sites de grimpe autour de Diego Suarez, nous déchantons. Il faut être minimum 6 personnes pour organiser un déplacement à Nosy Hara et vu le peu de touristes à cette période et le manque flagrant d’envie de la part de New Sea Roc, nous changeons d’options et allons sur un autre camp nommé « Jungle Park » pour grimper dans le massif de la Montagne des Français.

Farniente vers Nosy Be
Il n’y a rien à redire sur l’organisation de ce camp et l’accueil du personnel. La nourriture est excellente, les gens disponibles et attentionnés, nous dormons dans des cabanes de luxe construites dans des arbres au cœur d’un massif sauvage.

Jérôme dans un des beaux 6b de la Vallée des Perroquets
En revanche, l’escalade est décevante. Non pas que la grimpe soit moche car ce n’est pas le cas. Le cadre, entourés de baobabs et d’oiseaux inconnus qui chantent leur plus belle symphonie, dépayse et les formes du caillou ultra sculptées laissent rêveur. Mais l’équipement des falaises est totalement délaissé, les points sont oxydés et les voies non entretenues. Clairement les voies dans le 6 de la Vallée des Perroquets sont les plus belles et surtout les plus sûres. Le secteur de voies un peu plus dures est rempli de lianes et de toiles d’araignées tandis qu’il faut choisir la voie avec l’équipement le moins à craindre pour s’engager.

Au-dessus des baobas
Pour quelqu’un qui se dit passionné, qui revendique sur son site web l’équipement de ces secteurs, fait de la publicité pour l’escalade (et ses logements il faut le dire) et gagne de l’argent grâce à cette pratique, il nous a semblé que la moindre des choses aurait été de maintenir à un niveau décent d’utilisation de ces quelques voies, par ailleurs pas nombreuses. La déception était grande. Nous n’avons pas compris la démarche de Mathieu, hormis le profit, et étions étonné de trouver un homme si peu investi dans le milieu et passionné par la pratique. La période du développement de l’escalade autour de Diego Suarez est probablement passée et le temps semble être plutôt à la planche à voile à présent.

Si petite et si peu de points...
Sur ces quelques notes s’achève notre périple, nous optons pour l’avion pour rejoindre la capitale et passons quelques jours à Tana. Ce voyage aura été difficile mais m’aura appris beaucoup et fait grandir je pense. Je suis contente d’avoir pu mettre quelques mots pour formuler certains sentiments à ce sujet…


vendredi 26 juillet 2019

Sardaigne


               Après maintes hésitations entre la Corse et la Sardaigne, et vu mon pied en compote, on se dit qu’il y aura certainement moins de marche en Sardaigne - car c’est sûr en Corse il faut marcher ! – qu’il y aura sûrement plus de secteurs à découvrir vu qu’on n’y est jamais allé et qu’on pourra plus varier entre couenne et grandes voies. Sans compter l’aspect voyage et trip itinérant en camion qui nous attire bien !
Un spot de rêve
Outch
               Bon, en Sardaigne, il faut aussi pas mal marcher pour aller faire de grandes voies et pour la couenne… également ! Pour le coup, il y a plein plein plein de secteurs à découvrir, presque trop !! Et c’est tout à fait possible de varier les plaisirs mais l’approche reste au cœur du problème pour moi. Quant au trip itinérant camion, on a été servi ! C’était juste parfait !
Au départ de Toulon
Résumé :

Vu l’épaisseur des deux tomes du topo Pietra di Luna, on se dit que 15 jours sur place seront forcément trop courts. Le dédale de recherches de secteurs commence sur le ferry. Le topo ne se laisse pas facilement apprivoiser quand tu n’as pas la carte de la Sardaigne imprimée dans la tête avec les villes principales. Et vu la quantité de secteurs proposés, il est difficile de faire un choix car à chaque description, Maurizio Oviglia suggère que le site mérite le détour ! ;)
Une architecture particulière !
               Les clefs d’entrée seront donc les longueurs d’approches, la plupart du temps sous-estimées il faut le mentionner, l’orientation du secteur et les voies proposées + les quelques noms évoquant quelque chose dans notre univers de grimpeurs.

Linka découvre les joies de la Via Ferrata
                C’est donc tout naturellement que nous nous dirigeons vers Cala Gonone pour grimper à la grotte Millenium. L’approche en béquilles met bien dans le bain de l’effort, Linka découvre les joies de la Via Ferrata assistée et Alex les sensations effrayantes de grimpe sur fragiles colonnettes et points corrodés si bien que la chute semblait plutôt à proscrire. Nous sommes emballés par le lieu et l’escalade proposée mais pas par l’équipement et décidons donc qu’une journée ici suffit !
Et ça lui permet de regarder le paysage !
              Nous doutons que les autres secteurs de Cala Gonone soient mieux équipés et prenons la direction du Sud en se disant qu’on y reviendra peut-être. Mais il y a tellement de choses à faire et à voir qu’il est difficile de revenir sur ses pas… On le remarquera par la suite !
Genna Groce
               La face qui m’attire est la Punta Giradili. Sur le chemin, nous arrêtons sur un secteur d’altitude tout en fraicheur : Genna Croce. Le style et le cadre me rappelle Ablon. C’est exigeant et là encore il n’y a personne.
Petite baignade...
...Au pied de la Punta Giradili !

Le soir nous trouvons le spot idéal pour dormir, au bord de la mer, où les chiens sont autorisés et avec vue sur la majestueuse Punta Giradili. Malheureusement, l’approche ne s’est pas réduite en 2 jours et ne pouvant toujours pas appuyer sur le talon, je n’envisage pas 1h30 de béquilles pour accéder au pied. Nous optons donc pour une voie plus courte mais avec surtout aucune approche, dans un cadre prodigieux et proposant une superbe escalade : Marinaio di Foresto, 6a+ max. Voie à conseiller à tous les amoureux de belle escalade tranquille !
Grande voie avec vue...
Marinaio di Foresto
On aime tellement le coin qu’on y reste quelques jours en grimpant sur les sites de couennes alentours comme Villagio Gallico et en disant aux copains Cédric et Pauline, rencontrés sur le bâteau, de nous rejoindre au plus vite. C’est là que je regrimpe finalement en tête après avoir repéré la longueur en moulinette. Serrage de prises de rigueur et pas de chute au compteur : tout va bien !
Ulassai
Puis nous filons à Ulassai qui est d’après de nombreux copains, le site de couennes de Sardaigne. Nous découvrons sur place un petit village charmant, une belle communauté de grimpeurs avec comme lieu de retrouvailles le refuge Nannai et une énergie débordante et passionnée pour l’escalade et la culture outdoor. Nannai me rappelle à la fois le camping Climbers Garden à Geyik Bayiri, le bar Panjika à Léonidio et le refuge Kalandraka à Rodellar. Ce genre de lieu qui vibre de la passion pour l’escalade et du bonheur de la partager dans le respect de la nature qui nous accueille. Pour la première fois, nous rencontrons des grimpeurs à la falaise !
Alex à Cave of Dreams
Caro à Su Fundu

Nous grimpons au secteur Canyon, Cave of Dreams et Su fundu où je me surprends à faire des 8a au 1er essai après un repérage en moulinette et des 7c à vue directement en tête. Toujours pas de chute au compteur !! Ouf ! L’escalade est verticale ou léger dévers sur réglettes ou trous. Le style de grimpe et la disposition des secteurs ont un petit air de Siurana. Le reste du temps c’est pétanque tout terrain autour du camion et chill. De vraies vacances !
Un squatt bucolique !

La pluie nous pousse à changer d’endroit et nous choisissons de découvrir une nouvelle zone des secteurs de couennes remplies de grottes : Domusnovas. On trouve là encore un super spot camion et ce n’est pas plus mal car la pluie ne s’arrête pas pendant 48h ! On essaye de grimper dans la grotte de Canneland mais on n’a rarement des conditions aussi glauques !! Les combats apparaissent pour ne pas glisser sur les bacs des 7a+. Ce n’est pas de la grande escalade mais on s’amuse bien !
48h dans le camion...
Faut bien trouver quoi faire !

Quand le soleil réapparaît enfin c’est comme si nous éclosions comme des fleurs. Le moral des troupes remonte instantanément ! Nous souhaitons visiter une mine, activité principale de la région mais décidément Mai n’est pas une période touristique pour la Sardaigne. Nous filons donc vers Capo Pecora qui semble un endroit calme et préservé agrémenté de quelques bouts de caillou pour notre plus grand bonheur.

Un bel endroit...

Tout le monde pose

Même Pincho !

Pauline, pure bloqueuse dans l’âme, est ravie et passe la journée à courir de blocs en blocs. Alex se prend même au jeu d’essayer un passage qui lui résiste. C’est fou comme avec un peu de magnésie, un rocher d’apparence quelconque prend de l’ampleur. Je joue aussi sur les blocs mais une micro chute sur le pied me rappelle vivement à l’ordre. Le bloc n’est pas encore une activité pour moi.
Compression

Pauline

Petite arête
Cédric
Compression plus dure !
Capo Pecora propose aussi plusieurs secteurs de trad en bord de mer. Les accès ne sont pas toujours évidents et l’ambiance avec les vagues qui déferlent à côté de nous est prenante. Nous sommes aux anges ! Après quelques couennes, nous remontons avec Alex un pilier en 3 longueurs avec le coucher de soleil en fond. Pendant ce temps, la marée monte au pied de la voie et Cédric et Pauline sauvent toutes nos affaires avant qu’il ne soit trop tard ! On ne s’improvise pas grimpeur de bord de mer ! ;)

Capo Pecora

Trad

Reflexion
Linka au paradis !
Retour tardif

Pour le dernier jour de Cédric et Pauline, je repère un secteur prometteur d’après la photo : Sardus Pater. Là encore, l’accès se révèle laborieux et bien plus long que ce que mentionne le topo. Sur place, la déception est présente car le site en plus de paraître bien plus petit que la photo, semble laissé à l’abandon et ne pas avoir été pratiqué depuis des mois. Nous persistons tout de même et découvrons de très jolies voies. Il faut défricher et nettoyer mais derrière les longueurs sont d’une belle qualité.
Pied de falaise chaotique

Alex dans Tiu Peppe 7c+
 
Cedric dans Tiu Peppe 7c+

Caro dans Tiu Peppe 7c+

Globalement c’est ce que nous avons ressenti durant tout le séjour. Il y a beaucoup beaucoup de secteurs et certainement pas assez de grimpeurs sur l’île pour pratiquer les voies et entretenir les secteurs. Toutes les voies que nous avons faites étaient belles c’est sûr. Mais il y a souvent uniquement 2 à 3 voies intéressantes par secteur. On ne retrouve pas, comme en Espagne, un site phare avec une quantité de king lines, à part peut-être à Ulassai. Alors nous n’avons pas tout vu des secteurs de couennes de Sardaigne et nous avons peut-être raté le site rassemblant toutes ces voies. En revanche, la Sardaigne se prête à merveille au voyage itinérant en camion, au dépaysement et paysages changeant en peu de kilomètres. Je vous conseille d’aller là-bas dans cette optique du voyage, comme nous l’avons fait, plutôt que dans une optique d’escalade pure et de performance où vous risqueriez d’être déçu.
Sardus Pater

Easy game !
Mon principal regret en Sardaigne est de n’avoir pas pu parcourir les nombreuses grandes voies qui m’attiraient l’œil. Il y a es murs immense à perte de vue mais ils se méritent. Cette blessure au pied en aura décidé autrement pour cette première visite et m’incite donc à revenir pour découvrir ces faces pleine d’ampleur !
Pan de Azucar

Porto Flavia
Pour finir notre voyage, nous retournons au site de Porto Flavia pour visiter la mine sur laquelle nous avions buté précédemment. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment une mine mais un port et lieu de stockage des minerais construit sur la base d’une mine pour accélérer la productivité de la région et s’astreindre de délais de transports monstrueux pour atteindre un autre port quelques dizaines de kilomètres plus au sud. Le créateur de ce port forge le respect : avoir eu l’ingéniosité d’utiliser le terrain et la proximité du Pan di Zucchero et s’adapter aux contraintes techniques en 1922 laisse songeur. Ca vaut le détour !

Et toujours de belles rencontres !